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Publié le 27 juillet 2022

Shukran khouya




Du 27 décembre au 2 janvier, entre Tarfaya et Boujdour.
Cette semaine commence à Tarfaya, en face de l’avion taille réduite d’Antoine de Saint-Exupéry. Cet écrivain-voyageur m’inspire. La légende dit que c’est ici que le Petit Prince est né, d’une simple volonté de conter le monde.

Lundi, dans le plus grand parc éolien marocains, les langues se délient avec mon compagnon de route. On parle culture et religion. On en vient vite à évoquer ce qui nous différencie dans nos croyances respectives. Ce que l’on doit faire ou ne peux pas faire. Nos différentes visions du monde. Mais c’est précisément cette disparité qui m’intéresse. J’aime comprendre comment chaque personne pense. Ces réflexions me remplissent d’un peu plus d’humanité.

Comme dans ce hall d’hôtel à Boujdour en fin de semaine, où je passe la soirée entre un voyageur allemand athée et un serveur de café musulman. Je me place alors en trait d’union entre ce scientifique convaincu et ce fervent religieux. C’est une position que j'affectionne particulièrement. Je traduis, reformule, questionne, pour chercher le compromis dans ce débat sans fin. Les deux protagonistes qui désirent avoir le dernier mot, arrivent à se mettre d’accord sur certains points (égalité entre les Hommes), quand d’autres sont radicalement clivants (homosexualité, place de la femme). Plus largement, j’ai la conviction qu’ils tiennent tous deux une part de la Vérité. 

Mardi, on arrive dans la très militarisée ville de Laâyoune. C'est l'occasion de se refaire une santé au hammam, de refaire les stocks au souk, de partager un couscous avec un nouvel ami, et d'arpenter nos premières dunes. Tous ces instants de vie marocaine renforcent au fur et à mesure notre relation avec Mohamed. Même si certaines de ses opinions me rebutent, j’apprécie son authenticité. C’est avant tout mon ami.

Ce même ami qui commence à se démoraliser quand il nous faut quitter Laâyoune. Une soupe harira avec quelques remotivations suffisent cependant à remettre en selle mon équipier. Le 31 décembre, nous arrivons à Lamsid. Nous choisissons un petit café-restaurant à la sortie du village, plutôt que la station service flambant neuve. L’ambiance est détendue et à la rigolade. Le tenancier nous autorise à dormir dans une petite pièce attenante. Mohamed va se coucher à 23 heures et je passe donc seul le nouvel an sur mon tabouret au milieu du désert.

Le lendemain on aperçoit depuis la route des hommes courant après des dromadaires. On décide de tenter notre chance pour le précieux breuvage que Mohamed cherche depuis plusieurs jours. Finalement on passe un long moment avec ces négociants. On joue aux cartes, discute, et on goûte le fameux lait de dromadaire. C’est une des  choses qui fait du Maroc une terre chaleureuse. La fraternité entre les hommes est ici réelle et tangible. L’entraide est innée ; on s’arrête automatiquement donner un coup de main pour une crevaison d'automobiliste. La générosité permanente ; on nous tend des bouteilles d’eau au bord des routes. Cette fraternité qui est en France plus présente dans le discours que dans les faits. 

Une parenthèse hors du temps avant de se retrouver à Boujdour où nous passerons le week-end. Déjà on prend de la distance avec Mohamed. Il passe un peu de temps avec sa famille tandis que je cherche un hôtel pour les prochains jours. Boujdour sera l’endroit où nos chemins se sépareront puisqu'il doit rentrer chez lui vers Agadir. On rencontre Benjamin, un voyageur allemand qui m’évitera un brusque retour à la solitude la semaine suivante. On passe quelques instants agréables tous les trois dans cette ville de pêcheurs et de passeurs.


Vient le moment des adieux dimanche soir à la gare routière. On démonte ses roues, on emballe son vélo à la va-vite, et échangeons quelques derniers présents à la lueur des éclairages du bus. Je découvre alors avec étonnement le sensible Mohamed ému de ces aurevoirs. Je réalise soudainement l’expérience qu’a été ces dix jours passés ensemble. Malgré nos faibles différends et opinions contraires, une réelle amitié est née autour du vélo et du voyage. On se quitte après plusieurs accolades et quelques promesses. Et “Shukran khouya” (Merci mon frère). 

Qu’importe nos origines et nos croyances, nous sommes égaux dans l’épreuve qu’est la vie. Et tout ce qui nous différencie ne devrait pas nous monter les uns contre les autres, mais plutôt nous rassembler et nous renforcer par la complémentarité de notre altérité. Et je vous laisse avec ces belles paroles de St-Exupéry : "Si tu diffères de moi, mon frère, loin de me léser, tu m'enrichis." -
 



 

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