Du 22 au 28 novembre, entre Casablanca et Marrakech.
Cela fait maintenant 2500 kilomètres depuis la pointe de Pen Hir que j'avance sur ce bon Marcel. Je décide de profiter de Casa et de ses services pour faire réviser ma monture. Je trouve alors un mécano vélo dont c'est véritablement le métier dans les quartiers sud. Ce dénommé Rachid va lui faire un check-up complet ; ajustement des gaines, remise en place de guidoline, dévoilage de roue, huilage de chaîne, et un bon coup de chiffon. Il fait en une heure ce qui m'aurait pris la journée. Et en plus d'être qualifié, ce mécano est fort généreux, puisqu'il refuse que je le règle. Rachid et ses amis sont heureux de voir un autre cycliste mordu de route. On passe encore 30 minutes à parler vélo, à prendre des selfies, et à échanger nos coordonnées.
Après le bon temps que j’ai passé sur la côte Atlantique, il est temps de repartir dans les terres direction les montagnes. C’est ainsi que mardi je quitte Hayat et Naijb ; des hôtes adorables. Je profite de ces lignes pour les remercier encore pour leur hospitalité sans faille. Mais le départ se fait surtout sous la pluie et dans la pollution.
Je prends alors une longue ligne droite qui me mènera à Marrakech, la N9. Les paysages changent. La densité côtière laisse place à de grandes étendues beaucoup moins peuplées. La végétation se fait discrète. La météo aussi se détériore. Le ciel s'assombrit. Les nuages menacent. Les températures chutent brutalement. Je passe ainsi Berrchid, Settat, Ben Guerir ; des villes sans grands intérêts. Je trouverais mon salut dans les petits villages qui gravitent le long de cet axe désespérément ennuyeux.
Je me mets à rouler différemment. Je veux expérimenter un nouveau rythme journalier, et de nouvelles approches auprès des locaux. Ainsi je roule tôt le matin et tard le soir, et entre les deux je me pose pour écrire. Un café allongé ici (10dh), un tajine aux pruneaux là (35dh), et un thé à la menthe là-bas (5dh). Rouler tardivement me permet surtout de trouver refuge plus facilement. Lorsque la nuit tombe, les bonnes âmes se réveillent. “Miskine tu vas pas dormir dehors du temps là !”. J’explique à chaque fois que j’ai ma tente et tout le matériel nécessaire pour camper dans ces conditions mais cela leur importe peu. “Viens à la maison !”. Bien-sûr il y a des soirs moins faciles, des gens moins soucieux de mon sort. Comme ces policiers qui me conseillent de rouler deux heures et demie de plus en pleine nuit, pour rejoindre l’hôtel le plus proche. Mais je ne roule pas la nuit, c’est une règle. Alors je trouve toujours un coin où poser la tente sous les regards méfiants des passants nocturnes.
C’est avec cette nouvelle stratégie que je fais la rencontre de Zichouni, et Abjelil. Au détour d’une salutation pour l’un, et à un sombre croisement pour l’autre, ces rencontres salvatrices m’ont permis de passer la nuit au chaud et le ventre plein. L’hospitalité marocaine est plus appréciable encore lorsqu’elle surgit à point nommé. Mais au-delà de tout ce qu’ils m’offrent dans ces moments, c’est bien ces personnes qui me marquent le plus. Zichouni ; ce jeune homme à la longue djellaba bleu de Chefchaouen, au regard perçant et au sourire sincère. Il maîtrise peu le français mais connaît bien le terme “naturel”. Il l’utilise à toutes les sauces, même pour décrire une vache, “naturelle”. Et Abjelil ; ce petit monsieur aux cheveux crépus qui ne parle uniquement que lorsqu’il le doit. Je commence à comprendre que ces belles et brèves rencontres vont devenir mon quotidien, et ça me réjouit.
J’avance donc au gré des rencontres. J’accumule les différentes habitations, mais une chose perdure ; la qualité des salons marocains. Le lieu par excellence où cette hospitalité se cristallise. J’y observe beaucoup de choses, pose des questions, prends des photos. Cela me permet de mieux comprendre les marocains, leur culture, et leur habitat. Mon projet prend forme doucement mais sûrement.
Et me voilà à Marrakech. J’y reste deux nuits. Je suis accueilli par Naïma et son frère cadet Yassir. C’est avec lui que je parcours expressément la médina de la ville la plus touristique du Maroc. Je ne retiendrais pas énormément de choses de cet endroit. Il y a des moments où l'on n'arrive pas à s’émerveiller. Marrakech en est un pour moi. A l’exception des deux soirées que j’ai passé avec mon ami Julien, et Aziz. J’ai rencontré Julien sur le ferry en venant. C’est un voyageur errant comme moi. Aziz est son hôte sur Marrakech. Nous discutons de spiritualité et de méditation, entre autres.
Julien me parle de sa future visite qu’il va faire à Emilie, une autre rencontre maritime commune. Emilie fait du parapente vers Asni dans l’Atlas. La prochaine étape est donc toute trouvée. Nous nous y donnons rendez-vous dans 2 jours. -